- Jean-Marie Fournier
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- 02/05/2024
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Dans la peau du… Narcisse faux-narcisse - Narcissus pseudonarcissus L., 1753
Belle des parterres et des massifs jardinés, symbole du renouveau printanier, mes tépales allant du blanc à l’orange en passant par le jaune vif vous enchantent. Vous m’aurez probablement reconnu, je suis la Narcisse, prénommée également Jonquille.
Pour être plus précis, il faudrait me dénommer par mon nom scientifique, car il existe plusieurs espèces de narcisses en France, ainsi que de nombreux cultivars, c’est-à-dire des ensembles d’individus résultant d’une sélection en pépinière, en fonction de certains critères morphologiques (couleurs, taille et forme des pétales, odeurs, etc).
Petit tour d’horizon de ma famille
(ou de mon genre si l’on souhaite être plus rigoureux)
Tandis que je me caractérise par une grande fleur jaune, avec des bords plus clairs, les cultivars peuvent présenter des fleurs totalement jaune vif, ou une partie de la fleur orangée. Dans ce dernier cas, c’est qu’elle s’est dopée aux caroténoïdes. Et oui, la couleur de nos fleurs dépend directement du taux de ce pigment dans nos tépales, pigment qui est le même que dans la carotte ! Bon, il est aussi vrai que ce pigment est fortement répandu dans le règne des plantes. Regardez nos amies les courges, les agrumes ou encore les tomates.
Revenons à mes cousines : alors que je peux me targuer, moi, Narcissus pseudonarcissus, d’être la plus commune sur le territoire métropolitain français, d’autres se cantonnent à des régions bien plus restreintes. C’est le cas de la Narcisse bicolore, qu’on ne trouve guère que dans les Pyrénées, ou la sublime Narcisse des poètes (elle aussi très plébiscitée par les jardiniers) qu’on observe principalement en Midi-Pyrénées, en Rhône-Alpes et dans le Massif Central. Ou encore de la Narcisse tazette, endémique de Corse et de Provence.
Encore plus particulier, la Narcisse des Glénan, qu’on ne retrouve que sur cet archipel breton. Elle est d’ailleurs à l’origine de la création, en 1974, d’une des plus petites réserves naturelles nationales de France, avec seulement 1,5 Ha. Le pillage des collectionneurs, des bulbiculteurs et des cueilleurs a bien failli avoir raison de cette espèce. C’est comme dans les musées, on touche avec les yeux !!
D’ailleurs, cette recommandation est valable pour moi, car je ne suis pas si commune qu’il y paraît… En réalité, les Narcisses que vous observez sont les fameux cultivars évoqués précédemment. Je suis même quasi-menacée de disparition dans plusieurs (anciennes) régions françaises : Picardie, Bourgogne et Poitou-Charentes. Et d’autres pourraient rejoindre cette liste, si l’on continue de me cueillir comme s’y de rien n’était…
Fort heureusement, ma cueillette est réglementée voire interdite dans de nombreux départements, dont 3 des départements bretons (sauf le Morbihan). Alors renseignez-vous avant d’arracher mon précieux bulbe !
Pas si simple, en effet. Pour la réglementation, il suffit de se rendre sur le site de l’INPN et de taper le nom de l’espèce pour savoir quelles règles s’appliquent. Facile.
Pour me reconnaître, ça se complique. Ordinairement, les principaux critères sont les suivants:
– Tige dressée et aplatie, à 2 angles saillants
– Unique fleur, penchée, d’une longueur d’environ 3 à 5 cm, au sommet de la tige
– Tépales (ressemblent à des pétales) jaune pâle, couronne (autour des étamines et du pistil) jaune vif
– 2 à 4 feuilles de longueur similaire à celle de la tige
Il est vrai que la distinction avec un cultivar n’est pas toujours aisée. Le conseil le plus avisé que je peux donner dans ce cas : si on ne sait pas, on s’abstient.
Individus « sauvages »
Et où me trouve-t-on, en dehors des ronds-points ?
J’ajouterai : et QUAND me trouve-t-on ? Car, oui, je ne pointe mon joli minois qu’aux premiers redoux, souvent un peu avant le début du printemps. Comme un parent un peu plus éloigné d’ailleurs, le bien-nommé Perce-neige. Selon les zones géographiques, vous pourrez m’observer jusqu’au mois de juin.
Revenons à la question initiale : pour m’observer, je vous conseille de parcourir les forêts de chênes, de charmes, de frênes ou encore de sycomores. C’est bien souvent dans leur sous-bois que je m’épanouie. Mais pas seulement. Vous pourrez aussi me rencontrer dans des prairies ou sur des pelouses naturelles, jusque dans les premiers étages montagnards.
En fait, je suis mi-ombre mi soleil, avec une préférence pour les sols à pH neutre et plutôt secs.
Suis-je comestible ?
Indécrottables êtres humains, je sais que cette question vous taraude. Et bien non. Je contiens de la lycorine, qui, en cas d’ingestion, provoque des vomissements, des maux de ventre et la diarrhée. D’ailleurs, les principaux cas d’intoxication sont la confusion entre l’oignon et moi, ou plutôt mon bulbe.
Néanmoins, je peux vous affirmer que mon nectar est apprécié des insectes. Cette substance est la récompense pour leur action de butinage, permettant une reproduction sexuée. Cependant, c’est la couleur jaune de ma corolle qui les attire le plus. En effet, les couleurs des fleurs sont bien souvent liées aux capacités visuelles des insectes. Généralement, la couleur jaune est considérée comme attractive pour les abeilles et les bourdons, mais aussi les papillons nocturnes, au crépuscule.
Et quel lien avec le « Narcisse grec » ?
Ah ! Narcisse, ce jeune homme de la mythologie grecque auquel je dois mon nom. Pour faire court, Narcisse, fils du dieu fleuve Céphise, était réputé pour sa grande beauté. Un jour, il surprit son reflet dans l’eau d’une fontaine et s’éprit de son image, jusqu’à en mourir de langueur. Une fleur poussa sur le lieu de sa mort. Vous l’aurez deviné, il s’agit de moi, la fleur.
Cependant, il existe une autre version de la légende, qui considère que Narcisse passait son temps à contempler son visage dans l’eau, pour se rappeler sa sœur décédée, qu’il adorait et qui était faite à son image. Ainsi, ce sont les traits de sa sœur que Narcisse recherchait vainement.
Et vous, si vous me recherchiez aussi, pour m’admirer ?
Les idées à retenir pour briller à la pause-café :
La Narcisse est dite cryptophyte, c’est-à-dire que ses organes sont totalement « cachés » durant une partie de l’année, pour survivre aux mauvaises conditions, et plus particulièrement une plante géophyte, c’est-à-dire que les organes, dans ce cas, sont enfouis dans le sol. En effet, dans le cas de la Narcisse, seul le bulbe subsiste dans le sol pendant plusieurs mois.
La Narcisse est une espèce vernale, c’est-à-dire parmi les premières à se développer, souvent avant même la fin de l’hiver : les principales observations de la Narcisse, en Bretagne, se font au mois de Janvier !
Sépales et pétales : les sépales sont les organes foliacés, souvent verdâtres, entourant la fleur ; alors que les pétales entourent les organes reproducteurs de la fleur et sont souvent colorés. Et lorsqu’on ne peut pas distinguer les sépales des pétales, ce qui est le cas de la Narcisse, on parle de tépales.
Les Narcisses font partie de l’Ordre des Asparagales, comme l’ail, le poireau, la ciboulette, l’agapanthe, le perce-neige ou encore la nivéole.
Le plus souvent, la Narcisse se reproduit de manière asexuée : c’est le bulbe qui donne naissance à d’autres bulbes, qui donneront à leur tour des Narcisses l’année suivante, avec le même patrimoine génétique. La reproduction sexuée nécessite la production de graines, qui ne donnent des bulbes qu’au bout de 5 ou 6 ans.
Les feuilles de la Narcisse sont dites « glauques » : rien à voir avec un quelconque côté sordide ou malsain, mais plutôt avec la couleur, qui est d’un vert tirant sur le bleu. Tout comme une « eau glauque ».
Vous souhaitez mieux connaitre les Narcisses, c’est par ici :
- Le site scientifique de référence : fiche INPN
- La fiche descriptive de l’espèce sur Tela Botanica : Fiche espèce – Tela Botanica
- Sur la Narcisse des Glénan : https://www.bretagne-vivante.org/nos-actions/especes-menacees/narcisse-des-glenan/
- Une vidéo de présentation de quelques narcisses des jardins (les fameux cultivars) : https://www.youtube.com/watch?v=9-mZmxlJb4Q
Crédits photo : Gertjan van Noord | Flickr
Ecologue, il est spécialisé en botanique: vous pourrez le croiser entrain d'observer la flore, sur les milieux naturels mais aussi urbains. A moins qu'il ne soit munis de sa tarière car Jean-Marie est également expert dans la reconnaissance et le fonctionnement des zones humides