Dans la peau de l’Hermine - Mustela erminea

Ni un emblème ni un ornement sur un drapeau, je suis une Hermine, mammifère tout simplement.

J’habite les plaines ou bien les montagnes, aussi bien le bocage, les bois clairsemés, les ripisylves ou encore les marais, tant qu’il existe des abris pour me réfugier et des proies pour m’alimenter.

Jadis nous nous épanouissions dans la plupart des paysages ruraux. Les tas de pierres ou de bois ainsi que les nombreux terriers nous accueillaient et nous protégeaient. Nous chassions à l’abri des haies, camouflées dans l’herbe grasse des pâturages ou dans l’épaisse litière forestière de vieilles forêts. Je vous parle d’un temps que je n’ai pas connu. Un temps heureux que l’on nous enseigne dans les vieux grimoires des Hermines. Car, tout au long du XXe siècle et plus spécifiquement depuis la deuxième partie du siècle, nous nous sommes largement raréfiées, comme tant d’autres congénères mammifères. Nos abris ont été détruits, nos habitats grignotés pour laisser place aux grands champs trop dépeuplés et aux habitations humaines qui poussent aussi vite que des champignons.

Si bien qu’il vous est dorénavant bien plus rare de m’apercevoir.

Hermine pas Belette

Le promeneur non averti qui me croiserait pourrait volontiers se targuer d’avoir observé une Belette. Il n’en est rien, je suis bien une Hermine.

Si nous nous ressemblons beaucoup, appartenant toutes deux à la famille des Mustélidés, je possède quelques différences. D’abord je suis plus grande, du haut de ma trentaine de centimètres (contre seulement une dizaine pour la Belette). Ma queue généralement brune se termine par une forme de pinceau (ou de pompon, c’est vous qui voyez) tout noir. Enfin, nos pattes sont toutes blanches alors que celles de la Belette sont brunes sur le dessus.

Difference_Belette_Hermine

Danse Hermine

Je suis une hyperactive. Je m’agite tant le jour que la nuit, bien que je préfère me déplacer de jour lors des journées d’été et de nuit lors des journées d’hiver.

Je suis une chasseuse aguerrie de petits rongeurs (j’adore particulièrement les campagnols) et même de lapins. Il m’arrive aussi de me nourrir d’insectes et même parfois de petits oiseaux que je viens attraper directement dans les nids. Comment ça « pas sympa » ? Il faut bien se nourrir…

Attendez, vous allez aimer la suite. Avant de capturer une proie, il m’arrive de me livrer à une « danse frénétique » qui hypnotise mes proies. J’ondule, fais de petits sauts, me roule au sol et me livre à des allers-retours à toute vitesse ! Mon adversaire se retrouve généralement complètement déboussolé.

Toute cette énergie dépensée pour chasser me demande une alimentation régulière et en quantité suffisante, au moins un tiers de mon poids par jour et de longues heures de sommeil, entre quinze et dix-huit heures par jour !

Blanche Hermine

Quand vient la fin de l’automne, il n’est pas question pour moi d’hiverner ou pire d’hiberner. Je mue une première fois, pour me parer de ma tunique blanche durant tout l’hiver. Je me fonds ainsi dans les paysages de neige, camouflée de mes prédateurs, renards, putois ou chats par exemple. Seul le bout de ma queue garde sa couleur noire. Il agit alors véritablement comme un pompon qui fait diversion en cas d’attaque de rapaces. Les oiseaux distraits par le bout de ma queue noir tentent de l’attraper ce qui me permet souvent de m’échapper avant qu’ils ne me capturent.

Au printemps, les paysages regagnent leurs teintes vertes, les sols leurs couleurs brunes, il est temps pour moi de muer à nouveau. Je retrouve mon pelage brun et blanc qui m’accompagnera jusqu’à l’hiver prochain. Ces deux mues sont de précieuses alliées pour survivre en toute sécurité au fil des saisons.

Hermine-blanche
©Jill -Depositphotos

Famille nombreuse

Le printemps installé, il est temps pour moi de donner naissance à mes petits que j’ai porté pendant de longs mois. Je donne naissance à 6 à 12 jeunes affamés dans un terrier de campagnol que j’ai subtilisé. Durant les semaines de croissance de mes jeunes, je cours, cours, cours et cours encore pour les nourrir. Il ne fait pas bon être un petit rongeur qui traîne dans les parages. Je peux parcourir de plus grandes distances et passer presque tout mon temps éveillé en chasse si les proies sont peu abondantes.

Au bout de 3 mois, les voilà prêts à vivre leur vie survitaminée d’Hermine. Chacun prendra sa route, trouvera un nouveau territoire libre pour s’établir. Je me souviens des dangers que j’ai dû affronter lorsqu’à 3 mois j’ai quitté le foyer, devant trouver de quoi m’alimenter, des refuges pour me protéger du froid et des dents acérées de mes prédateurs. Si bien qu’il est fréquent que la moitié des jeunes de l’année ne passent jamais l’été.

Hermine-Peupleloup-flickr
©Peupleloup | Flickr

Ma vie souterraine

Si je suis survoltée en surface, ma vie est aussi souterraine.  Les terriers, les crevasses et galeries n’ont aucun secret pour moi. Quand on est une Hermine, il n’est pas chose aisée que de trouver son territoire. Nombreux de mes congénères sont prêts à se battre avec ardeur pour défendre leur précieux domaine. Nous utilisons toutes sortes d’abris souterrains délaissés par de petits mammifères, nous naviguons par les galeries, entre les pierres pour passer d’un terrier à l’autre, bien caché des regards. Nous aménageons nos abris avec goût. Il nous arrive par exemple de les tapisser des peaux de nos proies pour garder la chaleur lors des froids hivers.

Tout comme la Belette, nous aimons chasser nos proies directement dans leurs galeries, bien aidée par notre corps ramassé et longiligne. Nous nous faufilons, grâce à nos pattes miniatures, jusqu’à coincer les petits rongeurs dans leurs terriers. Lorsque la température descend trop, nous ne quittons plus les galeries jusqu’au prochain redoux pour éviter de congeler sur place.

Du symbole à l’espèce menacée

On a fait de moi un symbole, un emblème. Ma tunique blanche d’hiver vous a mis en tête que j’étais un représentant de la pureté et de l’innocence… C’était mal connaître mon mode de vie ! Je devins alors un symbole, en particulier en Bretagne où l’on m’ajouta au blason dès le XIIe siècle.

Puis la pureté et l’innocence succombèrent à l’intérêt pour ma fourrure, ma si belle fourrure isolante et douce. J’ai été chassée, traquée sans relâche pour pouvoir orner vos maisons et vos vêtements. Pendant plusieurs siècles ma fourrure a ainsi été associée à un signe de richesse. La chasse s’est développée jusqu’à la première moitié du XXe siècle. Des dizaines de milliers de fourrures étaient vendues, échangées dans le commerce, réduisant drastiquement nos populations et terrorisant tous mes congénères.

La chasse pour la fourrure a été accompagnée du développement de la chasse pour le loisir. Puis comme toute espèce qui se nourrit d’animaux que les humains veulent garder pour eux, on a fait de moi un nuisible, s’attaquant à vos chasses-gardées : perdrix en premier lieu. Vous en avez alors profité pour me traquer, me piéger ou m’empoisonner. Il est loin le temps de la pureté et de l’innocence.

Si aujourd’hui je ne suis plus classée dans la liste de ce que vous avez appelé désormais les « espèces susceptibles d’occasionnées des dégâts » (ESOD), je demeure chassable, bien que mes effectifs aient largement diminué.

Il est d’ailleurs amusant et triste de voir que nous sommes devenues extrêmement rares en Bretagne alors que nous figurons toujours sur le blason. Sommes-nous incapables de cohabiter?

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©Hélène Soyer

Les idées à retenir pour briller à la pause-café :

L’Hermine fait partie de la famille des Mustélidés au même titre que la Belette, la Martre des pins, le Blaireau, la Fouine, le Putois, le Furet, la Loutre ou bien le Vison…

C’est l’un des plus petits carnivores d’Europe avec sa trentaine de centimètres. Son repas préféré est le campagnol, toutes espèces confondues. Selon son aire de répartition, les hermines peuvent consommer plusieurs espèces de petits rongeurs, s’adaptant ainsi aux spécialités locales. La chasse effrénée de ces rongeurs peut rendre bien des services aux agriculteurs en évitant la pullulation des campagnols dans les campagnes.

L’Hermine ne devient blanche en hiver que dans les régions neigeuses. Elle peut même s’adapter aux conditions météorologiques de l’année. Sans neige, elle gardera ses teintes brunes et blanchâtres pour se fondre dans les couleurs de l’hiver. 

L’Hermine n’est pas présente partout en France. C’est en Haute-Savoie, dans le Massif central et dans le Doubs que l’Hermine se sent le mieux. Elle est globalement bien présente dans les Alpes, en Auvergne, dans le Jura et dans les Vosges. Elle est néanmoins absente ou très rare dans la quasi-totalité de la façade Sud-Ouest, Sud et Sud-Est de la France. Ses effectifs, en Bretagne, Normandie, dans les Hauts de France, Pays de la Loire et Centre Val de Loire sont globalement en régression et sa présence devient extrêmement rare dans des régions comme la Bretagne.

L’Hermine est présente dans les représentations culturelles depuis plusieurs siècles. On peut citer le tableau de Léonard de Vinci, « la Dame à l’Hermine » représentant une femme tenant dans ses bras une hermine blanche, symbole de pureté. 

Timothée Cantard
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