- Timothée Cantard
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- 25/07/2024
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Dans la peau du Frelon européen - Vespa crabro
Qui suis-je ? D’où viens-je ? Peu sont celles et ceux qui me connaissent vraiment, au-delà des clichés, des craintes et des fantasmes que j’inspire. Je suis un Frelon européen, une grosse guêpe pourrions-nous dire vulgairement.
Pourquoi « européen » ? Parce que j’habite le continent d’Europe depuis longtemps, très longtemps. Mais si l’on remonte encore plus loin (prenez quelques millénaires en arrière), mes ancêtres habitaient plutôt le continent asiatique… Nous évoluons, migrons, nous dispersons au gré des changements dans l’écosystème et des opportunités alimentaires que nous trouvons en chemin.
Je vis désormais à proximité des boisements clairs, parfois dans les parcs, même les jardins arborés. C’est pour cela que vous me côtoyez, de temps à autre, proche de vos habitations. Il m’arrive même de m’y installer en colonie, parfois dans un grenier, sur une façade ou un toit, si bien-sûr vous m’épargnez.
Nuances de Frelons
Nous sommes plusieurs dans la famille des frelons à vivre sur le continent : le Frelon bicolore, le Frelon oriental, le Frelon à pattes jaunes et moi-même, Frelon européen. Toutefois, en France, vous ne rencontrerez que mon lointain cousin le Frelon à pattes jaunes (qui provient d’Asie) et moi-même. Bien que nous soyons parfois confondus, il est pourtant très facile de nous différencier.
Je mesure entre 2 et 3,5 centimètres quand le Frelon à pattes jaunes est de taille plus modeste, entre 1,5 et 3 centimètres environ. Je ressemble beaucoup à une grosse guêpe, abdomen jaune rayé de bandes noires, face jaune, pattes rousses. Mon cousin à pattes jaunes est sensiblement différent : son abdomen est noir avec une large bande orangée, ses pattes sont jaunes et sa face également.
Je suis également très pacifique, bien plus tranquille que mon cousin à pattes jaunes, quand on ne s’en prend pas à mon nid évidemment. Je ne vous tourne pas autour, vous laisse tranquille pendant vos pique-niques ou vos repas en terrasse. Je suis bien trop occupé à mes affaires de frelon : chasser les mouches dès que le jour décline (ma colonie peut en engloutir plus de 500 grammes par jour !), parfois aussi quelques guêpes, papillons, sauterelles, criquets et chenilles. Vous l’ignorez souvent mais je joue un rôle naturel de régulateur dans l’écosystème. Je suis même un prédateur (l’un des seuls !) du Frelon à pattes jaunes, qui vous pose tant de problèmes. Nous sommes aussi des pollinisateurs, nous nourrissant parfois du nectar des fleurs. Enfin, quelques régimes sucrés composés de fruits bien mûrs et de sève d’arbres sont des petits bonheurs que nous ne refusons jamais !
Ma vie en colonie
Quand vient le printemps, les rescapées de l’hiver, uniquement les femelles fécondées, futures reines, fabriquent notre nid. Guidées par notre fondatrice ou notre reine, à votre convenance, nous sélectionnons l’emplacement parfait. Nous avons une préférence pour les creux d’arbres, de feuillus particulièrement mais, à l’opportunité, nous occupons un grenier, un conduit de cheminée, un abri abandonné ou même parfois une botte de paille ou un tas de compost ! Nous avons besoin de chaleur pour que vive notre colonie. Notre nid ressemble à du carton, savant mélange de bois et de salive qui constitue notre matériau de construction. Son entrée se fait toujours par le bas, ce qui est bien plus commode pour évacuer nos déchets et faire nos besoins.
Le printemps et le début de l’été représentent une période intense de nourrissage pour notre fondatrice et nous. Notre reine peut pondre des dizaines d’œufs par jour et a naturellement besoin de bien s’alimenter pour maintenir son énergie mais également pour nourrir les premières larves. De notre côté, nous serons à la recherche de mâles pour nous accoupler. Nous nous occuperons également des larves, les nourrissant durant les premières semaines de leur vie. Quant aux ouvrières, elles sont à la base de la survie de notre colonie. En plus d’entretenir notre précieux nid, elles multiplieront les aventures pour ramener de précieuses ressources alimentaires pour toute la colonie.
Notre nid est un sanctuaire bien gardé. Pour prévenir des dangers, des gardiennes s’amassent à l’entrée du nid et volent à proximité des intrus potentiels. Pas de panique toutefois, une piqûre n’est qu’une solution d’urgence en cas de danger imminent pour la colonie. Il faut bien savoir se défendre quand toute notre famille et toutes nos provisions sont menacées !
Voyez comme notre vie sociale est bien organisée, chacun et chacune ayant un rôle bien défini.
Quand vient la fin de l’été, notre colonie atteint son apogée et peut compter jusqu’à plusieurs centaines d’individus. Sacrée ambiance dans le nid ! Certains et certaines des nôtres quitteront progressivement le nid, assurant notre dispersion vers d’autres territoires.
Automne crépusculaire
L’automne et ses premiers froids sont rudes pour notre colonie. Le nid, impossible à chauffer, pour nous qui l’aimons à 30 degrés, il nous faut alors l’abandonner. Nombreux sont ceux et celles qui périssent, parfois même notre reine fondatrice mais aussi les jeunes mâles ainsi que les ouvrières. Il n’y a bien que les femelles fécondées qui résisteront, ces futures reines qui passent l’épreuve de l’hiver.
Elles se réfugieront dans un endroit abrité, sous une tuile, dans le sol, tant qu’elles sont cachées. Elles ne ressortiront que quelques mois plus tard, quand les douceurs printanières viendront réchauffer leur corps engourdi.
Nouvelles reines, nouvelles colonies, nouveau cycle de nos vies.
Si jamais vous accueillez un de mes nids chez vous, laissez un petit espace de sécurité de quelques mètres si vous le pouvez pour éviter de nous faire paniquer. Il est difficile de déplacer le nid, mais en cas de souci, n’hésitez pas à demander l’avis d’un spécialiste, ami de ces gentils insectes.
Les idées à retenir pour briller à la pause-café :
Le Frelon européen est un insecte de la famille des Vespidés. C’est une guêpe sociale, mais il est trois fois plus grand qu’une guêpe.
Par son régime alimentaire diversifié composé de nombreux insectes, de fruits, de sève et de nectar, le Frelon européen joue un rôle important dans nos écosystèmes : tantôt régulateur de certaines populations d’espèces (mouches, etc), tantôt pollinisateur.
C’est une espèce à tendance forestière, qui cherche les bois clairs, bien que l’on puisse aussi le trouver dans les parcs et jardins arborés.
Contrairement à ce que l’on imagine, le Frelon européen n’est pas une espèce strictement diurne. Au contraire, on peut souvent l’observer chasser en fin de journée, au crépuscule et même à la nuit tombée.
Le Frelon européen est un prédateur du Frelon à pattes jaunes, espèce exotique envahissante aux mœurs plus agressives, en particulier envers nos tendres abeilles.
Pour aller plus loin :
Site de référence INPN : Frelon d’Europe
Site de l’association LPO : Fiche Frelon européen
Site de l’association Arthropologia : Frelon européen – Frelon asiatique
Crédits photo
Inventaires faunistiques, projets de planification écologique, biodiversité urbaine, SIG, médiation scientifique, animation... Il a un profil polyvalent aussi bien coté pro que coté perso
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