Dans la peau de la Salamandre tâchetée – Salamandra salamandra

Bonjour les humains, faites place à une bête légendaire qui traverse les siècles. Dans votre imaginaire je suis capable d’éteindre le feu, je suis un dragon maléfique, je tue les troupeaux de bovins ou encore je fais tomber les cheveux et les poils.

J’ai été tantôt vénérée, tantôt crainte et j’ai même été adoptée sur le blason de François Ier.

Ces diverses histoires ne m’ont jamais été bénéfiques puisque l’issue était toujours la même pour moi une fois que vous me trouviez : la mort.

Alors laissez-moi vous raconter mon histoire…

Y a pas de lézard

Accordons-nous, je ne suis pas un lézard car je n’ai pas d’écaille. Cela peut vous surprendre mais je suis en fait un amphibien, comme les grenouilles et les crapauds. Pourtant je suis bien différente : je conserve ma queue durant ma vie d’adulte et je n’émets ni cri ni chant. Les espèces comme moi sont identifiées comme étant des urodèles, c’est le cas aussi de nos amis les tritons.

Pour me reconnaître, ça n’est pas très difficile, je suis noire avec des tâches jaune vif. Certaines de mes congénères peuvent parfois revêtir des tâches rougeâtres, oranges voire rose saumonées.

Salamandre_tachetee_Frank_Vassen
© Frank Vassen

Ma peau est lisse, mes yeux sont noirs, je n’ai pas de palme aux doigts et ma queue est arrondie. Attention à ne pas me confondre avec mes cousines la Salamandre terrestre (Salamandra terrestris) et la Salamandre tachetée fastueuse (Salamandra fastuosa) qui me ressemblent beaucoup mais qui sont des espèces qui vivent à la montagne. Salamandra fastuosa est endémique des Pyrénées par exemple. Vous ne risquez pas de la croiser en Bretagne celle-ci.

Je peux vivre jusqu’à 25ans et en ce qui concerne ma taille, je mesure entre 11 et 21cm ; ce qui n’est pas très grand pour un dragon !

Une espèce discrète

Je suis une espèce européenne, ma répartition est large en Europe car j’apprécie les climats tempérés et humides. C’est en Espagne qu’on trouve la plus grande diversité de salamandres :8 sur les 14 sous espèces répertoriées en Europe. Vous aurez du mal à m’observer en Belgique, au Luxembourg, dans le Nord-Pas-de-Calais et en Champagne-Ardenne où nous autres salamandres, sommes en régression.  Enfin, les forêts de Pins maritimes dans les Landes de Gascogne ne me conviennent pas.

Hormis ces zones géographiques, je suis présente un peu partout. J’affectionne particulièrement le bocage, les lisières forestières et les boisements de feuillus ou mixtes riches en litière. Je ne suis pas très exigeante, ce qui m’importe c’est d’avoir des zones de fraîcheur pour m’y cacher la journée et un point d’eau à proximité de mon abri pour me reproduire.

Pour m’observer, il faudra ouvrir grand les yeux et avoir de la chance car peu le savent, mais je suis active principalement la nuit et j’aime me cacher dans des endroits incongrus. Les cavités humides, sous des pierres des écorces, dans des troncs d’arbres en décomposition, dans un trou de taupe et même dans des galeries de petits rongeurs sont autant d’endroit où je peux m’y sentir bien. Une fois que j’ai trouvé une cachette qui me plaît, j’y retourne tout le temps après mes activités de chasse.   

Vous l’avez compris, je ne suis pas si simple à observer et si vous pensez m’observer tranquillement barbotant dans un plan d’eau, vous serez vite déçus, je suis une piètre nageuse !

Certains collectionneurs ont commis l’erreur de me mettre dans un aquarium, comme si j’étais un poisson, alors qu’en fait, en étant adulte, je ne vais dans l’eau que pour me reproduire. Et alors, seule la femelle s’y rend pour y déposer sa progéniture.

Embleme_salamandre
©Hélène Soyer

Quand la larve devient un petit dragon

Nous sommes actives de février-mars à octobre-novembre. C’est en automne que la reproduction a lieu, dans la forêt, dans la litière forestière. En tant que femelle je suis capable de stocker les spermatozoïdes et de les garder pendant 2ans dans une petite poche, pas mal n’est-ce pas ?

Quand viennent les mois les plus froids, nous hivernons, soit dans notre gîte habituel soit dans des galeries souterraines que nous empruntons aux rongeurs où nous pouvons nous retrouver à plusieurs après une migration automnale.

Ma progéniture se développe dans des œufs que je garde dans mon corps jusqu’à l’éclosion. La mise-bas a lieu dans l’eau au printemps où je vais y déposer les larves ; c’est ce que l’on appelle l’ovoviviparité.

Pour tenter d’échapper aux prédateurs, les larves ont la particularité de changer de teinte en fonction de la couleur du substrat dans lequel elles se trouvent. Elles se développent pendant 2 à 7 mois et finiront par sortir de l’eau, une fois leur métamorphose terminée. 

Larve salamandre tachetée_Christophe Quintin
©Christophe Quintin

Adultes, nous nous nourrissons d’invertébrés : cloportes, petits coléoptères, vers de terre et même quelques petits amphibiens. Eh oui, ça peut arriver !

Ce n’est qu’après la 3e année que nous atteignons notre maturité sexuelle. 

Qui s’y frotte, s’y empoisonne ?

J’ai oublié de vous parler d’un de mes petits secrets…Sachez que mes belles couleurs vives et contrastées sont un avertissement pour tous mes prédateurs : je suis toxique. Eh oui, derrière mes petits yeux se trouvent des glandes qui sécrètent une fine couche de mucus composée de neurotoxines. Pour vous, les humains, cette sécrétion ne vous fera pas grand-chose, mais pour mes prédateurs, c’est un véritable poison.

Ces sécrétions me sont aussi utiles pour limiter la croissance des bactéries et des champignons sur la surface de ma peau, pas mal non ?

Comme je suis sympa je vous révèle mon dernier prodige : je suis capable de regénérer un de mes membres en cas de perte. Par exemple, si je perds une patte, je saurai la faire repousser à l’identique. Ce pouvoir vous fascine tellement, vous les humains, que vous cherchez par tous les moyens à percer ce secret pour l’utiliser en médecine.

Un dragon à protéger

J’ai été trop longtemps mise à mal par vos croyances. Aujourd’hui, je suis protégée en France et dans la plupart des pays d’Europe et vous n’avez plus le droit de me tuer sous prétexte que je vous fasse peur.

Malgré tout, nos populations sont en déclin en France depuis au moins un siècle. Les raisons sont diverses mais liées essentiellement à la régression des zones humides, à la fragmentation de nos milieux de vie et à leur contamination par les pesticides.  

Les idées à retenir pour briller à la pause-café :

Les salamandres ne sont pas des lézards mais bien des amphibiens et plus particulièrement des urodèles.

Les couleurs jaune vif et noire sont des couleurs aposématiques, c’est-à-dire qu’elles avertissent les prédateurs de ma toxicité.

Le venin que je produis est appelé le samandarin. Celui-ci a très mauvais goût et est toxique.

Je suis protégée et inscrite à l’annexe III de la Convention de Berne

Le record de taille parmi les amphibiens du monde revient à la Salamandre géante (Andrias davidianus), une espèce provenant de Chine qui peut mesurer 1.8m de long. Ça n’est pas tout, celle-ci a peu évolué depuis son apparition à l’ère Jurassique, il y a plus de 170 millions d’années.

Un Dragon ! Dans mon Jardin ? est une science participative relancée en 2018 par la Société Herpétologique de France et l’Union Nationale des CPIE. Le but est de photographier les amphibiens et reptiles observés dans son jardin, et de les renseigner sur le site undragon.org. Cette science permet d’affiner le niveau de rareté des espèces et d’orienter les actions de conservation.

Vous souhaitez mieux connaitre la salamandre tachetée :

 

Photos salamandre : BE Nat’ et ©Frank Vassen

Photo larve Salamandre : ©Christophe Quintin

Alicia Denneulin
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