Dans la peau de la Vipère péliade - Vipera berus

Bonjour les humains. Je me présente, Vipera berus, alias la Vipère péliade. Nous nous sommes déjà croisés, mais j’ai rebroussé chemin avant que nous ayons eu le temps de faire connaissance. Je vous prie d’excuser cette impolitesse. C’est que je suis discrète, voire farouche. Pourtant, certains me qualifient de dangereuse. J’ose donc me présenter à vous, pour faire évoluer les idées reçues et les préjugés.

Un regard de braise

Il me semble que mon corps souple et ondulant ne vous sied guère. Je nous trouve pourtant un certain charme. Prenez le temps de nous observer, même en photo si vous préférez. Savez-vous comment différencier mes consœurs vipères et couleuvres ? Simplement en nous regardant dans les yeux. Les couleuvres ont généralement les pupilles rondes, tandis que nous, vipères, arborons des pupilles verticales. Pour distinguer celles de mon espèce (les péliades) : observez la couleur de nos yeux qui se parent d’un joli ton rouge-orangé. C’est un moyen quasiment infaillible pour me différentier de ma cousine, la Vipère Aspic ou encore de ma consœur, un brin farceuse : la Couleuvre vipérine.

différences Vipère péliade_aspic_couleuvre vipérine

Que vous dire de plus ? Nous mesurons entre 55 et 75 cm. Ce sont les femelles qui sont généralement plus grandes. Une forme géométrique en zigzag court le long de notre dos gris-brun. Comme la plupart des vipères, notre queue se rétrécie brusquement. Enfin, nous vivons une quinzaine d’années.

Une vie au gré des saisons

Vous le savez probablement, en tant qu’animal dit « à sang froid », mon rythme de vie s’accorde avec celui des saisons. Je ne me risque à mettre le nez dehors qu’à partir du mois de février. Au printemps, j’assiste au ballet de nos mâles pour choisir mon partenaire. Puis, de fin août à fin septembre, je m’occupe de ma progéniture, avant de repartir hiberner, vers mi-octobre. Je passe l’hiver tranquillement abritée sous un tas bois ou dans une vielle souche. Il m’arrive même de profiter des galeries des rongeurs. Et le cycle repart pour une nouvelle saison.

Saviez-vous que les modes de reproduction des serpents sont variés ? Certains pondent des œufs. C’est le cas des couleuvres. Nous, les vipères, sommes vivipares : nous donnons naissance à des vipéreaux déjà formés. Mes petits arrivent aux alentours de septembre. Je m’éloigne peu de ma progéniture. Cela m’oblige donc à chasser à l’affut les proies passant à proximité de mon abri : petits mammifères, oiseaux ou lézards. C’est une lourde tâche de les alimenter et de veiller à leur sécurité. Cette période, entre la gestation et le nourrissage des petits, est une phase épuisante pour nous. D’autant plus qu’ils sont généralement entre 5 et 15 par portée.

Une présence discrète

Comme tous les reptiles, j’aime que le soleil réchauffe mes écailles. Il me semble que vous aussi, vous prenez plaisir à vous dorer au soleil. C’est agréable n’est-ce pas ? Personnellement, une souche, des pierres ou même un chemin (peu fréquenté, bien sûr) me convient. Je vis dans des milieux ouverts qui comportent des cachettes où je peux rapidement m’éclipser (broussailles, haies, buissons ou pierriers).

Si vous arrivez à me surprendre avant que je ne prenne la poudre d’escampette, vous pourrez m’observer dans les landes, les lisères forestières, les clairières, les friches, les carrières ou les massifs dunaires. Mais sachez que le froid et l’humidité me dérangent moins que mes consœurs. 

Je vis aussi dans les prairies d’altitude et même dans les tourbières. En France, mon espèce est présente dans le quart nord-ouest mais également dans le Jura et dans le Massif central. Même à 1 600 m d’altitude, nous avons des chances de nous croisez. Néanmoins, je privilégie les zones peu fréquentées par l’Homme. N’y voyez rien de personnel, mais j’aime ma tranquillité et les espaces naturels.

vipere péliade dessin
©Hélène Soyer

Une voisine incomprise

Je me souviens que ma mère me parlait de mes aïeules et d’un temps où notre espèce prospérait. Ce n’est malheureusement plus le cas de nos jours, où nos populations sont très dispersées. Elle décrivait des territoires pleins de haies et de prairies où nous pouvions nous déplacer facilement. Elle m’a également raconté l’arrivée de vos machines et de votre bitume qui ont tué nombre de nos consœurs et dégradé nos habitats. Néanmoins, l’histoire qui me donnait le plus de frissons est celle des chasseurs de vipère. Apparemment, des humains nous attrapaient pour nous étudier dans des laboratoires d’écoles ou pour la production de sérum.

Bulletin de la Société des amis des sciences naturelles de Rouen_1895

Boulenger, G.-A. 1876. Note sur des Vipera berus capturés en Normandie. Bulletin de la Société des amis des sciences naturelles de Rouen, 31ième année (2 sem. 1895) – p 149

Et enfin, notre venin, nos yeux, notre corps, vous rebutent ou vous effraient. Nombre de mes ancêtres ont ainsi été pourchassées. Heureusement, certains humains ont décidé qu’il était temps de nous protéger. Si cela peut vous rassurer, je ne mords que très rarement et uniquement pour me défendre. Sachez que je vous crains aussi. Alors, si la fuite est impossible, il ne me reste que mes crocs… De plus, dans nos contrées, la majeure partie des morsures de vipères sont sans conséquences graves et sans séquelles. En effet, la quantité de venin injectée est généralement faible.

Enfin, pour éviter tout malentendu, marchez dans l’herbe avec des chaussures fermées ou des bottes et frappez le pas pour signaler votre présence. Pas la peine de siffler ou de chanter, je ne vous entendrai pas. En effet, ma capacité à entendre les sons transmis par l’air est extrêmement limitée. Par contre, je suis sensible aux vibrations du sol. Si je sens votre pas, soyez assurés que je ne vais pas rester sur votre chemin.

Nous voici à la fin de ma présentation. J’espère que vous me comprenez un peu mieux et que vous voyez en moi autre chose qu’une bête venimeuse. N’hésitez pas à vous présenter aussi, les humains. Car, à nos yeux, vous êtes également dangereux. Mais ce n’est peut-être qu’un a priori ? Alors apprenons à nous connaitre avec respect et tolérance.

Les idées à retenir pour briller à la pause-café :

Les vipères sont solénoglyphe, c’est-à-dire caractérisées par des crochets à venin rétractiles, situés à l’avant de la mâchoire, qui se replient en position fermée.

Elles sont également ectothermes, c’est-à-dire que leur température corporelle est la même que celle du milieu extérieur et n’est donc pas produite par l’organisme lui-même.

Le dimorphisme sexuel (c’est à dire que les différences d’aspects extérieurs entre mâles et femelles) est marqué. Les mâles sont généralement gris-brun clair avec un zigzag noir, alors que les femelles sont brunes avec un zigzag marron.

L’aire de répartition de la Vipère péliade s’étend sur 35 pays, de la France jusqu’à la Chine.

En France, cette espèce est protégée par l’arrêté du 8 janvier 2021 fixant la liste des amphibiens et reptiles protégés sur l’ensemble du territoire

Au sein des listes rouges des espèces menacées de l’UICN, la Vipère péliade est classée « Vunérable » au niveau national, « En danger » dans 9 régions (dont la Bretagne), « En danger critique » dans 2 régions (dont les Pays de la Loire) et est considérée comme « Disparue » en région PACA.

Vous souhaitez mieux connaitre la discrète Vipère péliade :

 

 

Crédits photo :

Guillaume Caillon | Flickr

Yann Brilland | Flickr

Frank Vassen | Flickr

Gérard Meyer | Flickr

Hélène SOYER
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