- Timothée Cantard
- Articles, Dans la peau du...
- 14/09/2023
- Commentaires fermés sur Dans la peau de la Pipistrelle commune – Pipistrellus pipistrellus
Dans la peau de la Pipistrelle commune - Pipistrellus pipistrellus
Je suis une Pipistrelle commune, 5 cm pour à peine 10 grammes. Je ne pèse pas plus lourd qu’un morceau de sucre, pourtant ma vie est bien pimentée. Avec mes cousines Pygmée, Nathusius et Kuhl, nous autres, pipistrelles, sommes les plus petites chauves-souris d’Europe.
Laissez-moi me décrire car je le reconnais volontiers, quand nous nous croisons, c’est souvent dans l’obscurité !
Petite et agile
Mon pelage est brun, mon museau et mes oreilles sont noires, bon d’accord plutôt bruns foncées. Celles que l’on appelle mes ailes sont en fait mes mains. Mes longs doigts sont reliés par une souple membrane de peau traversée par un réseau de muscles très fins.
J’ai ainsi deux belles et longues mains ailées pour voler. D’ailleurs, à ce jeu-là je n’ai rien à envier aux oiseaux ! Mes mains ailées sont bien plus sensibles que leurs ailes et me permettent de voler avec une agilité et une précision inégalée.
Comment me reconnaître ?! Rien de plus simple, il suffit de régler sa fréquence entre 45 à 48 kHz ! Comment ça ? Bien il s’agit évidemment de la fréquence pour capter les cris que j’émets en vol ! Nous, les chauves-souris, communiquons par des émissions ultrasonores inaudibles pour les humains. Les émissions d’ultrasons nous permettent également de nous situer dans l’espace et de nous déplacer. C’est que ce vous avez nommé « l’écholocalisation ». Les ondes sonores que nous émettons rebondissent quand elles rencontrent un obstacle et reviennent en écho vers nous. Cela nous permet d’estimer la distance et les types d’obstacles sur notre chemin et donc de bien nous orienter. Mais les ondes sonores nous servent aussi à définir la localisation de nos proies et même à évaluer si elles sont intéressantes pour nous ou non. Astucieux n’est-ce pas ?
Colocataire crépusculaire
J’habite toutes sortes de milieux, les forêts, le bocage, les champs et même vos villes et villages, pourtant pas vraiment pensés pour me faire de la place ! Contrairement à nombreuses de mes cousines, je cohabite même fréquemment avec vous dès que je trouve un endroit accueillant dans les anfractuosités de votre maison, dans vos granges ou hangars, derrière les volets ou dans les greniers, pourvu qu’il y ait des cavités et des matériaux auxquels m’agripper ! La plupart du temps vous ne me remarquez pas, je suis une colocataire discrète et inoffensive.
Dès les premières douceurs du printemps jusqu’aux premiers froids de l’automne, je vole, quand le crépuscule s’installe, partout où les petits invertébrés ailés imprudents s’aventurent. Il m’arrive d’engloutir jusqu’à mon propre poids en insectes (mon seul régime alimentaire), dont d’innombrables moustiques, au cours de la même journée… ça creuse de voler ! Une fois rassasiée, je retourne au gîte me reposer, il me faut bien 20h de sommeil par jour, jusqu’au prochain crépuscule, pour me remettre de cette activité !
Vivant en colonie
Mes congénères et moi formons des colonies entre femelles au moment de la mise-bas entre mai et août. Rien de mieux que la solidarité entre pipistrelles pour allaiter sereinement nos petits. Ils s’envoleront quelques semaines plus tard et vivront eux aussi leur vie crépusculaire.
Quand l’automne est sur le point de faire son retour, il est temps de nous reproduire. Chez nous, pas de besoin de grandes parades, ni de grands jeux de séduction ! Nous gagnons des sites de reproduction où mâles et femelles se rencontrent pour s’accoupler. Notre gestation durera ainsi jusqu’à la fin du printemps suivant.
Vient ensuite le temps de trouver son quartier d’hiver car pour la plupart, nous ne migrons pas, nous hibernons. Nous aimons toutefois partir un peu plus au sud pour rechercher un gîte confortable, dans une fissure, une grange, un hangar, une cavité d’arbre… Notre hibernation durera jusqu’au printemps. Nous entrons alors en pleine léthargie, passant la température de notre corps à 17°C et ralentissant notre rythme cardiaque à 10 pulsations par minute. Il nous faut économiser toute notre énergie pour passer l’hiver ! Si jamais vous nous apercevez, respectez svp notre profond sommeil, au risque de nous mettre en danger.
Pipistrelle plus si commune
Pipistrelle commune entends-je souvent. De moins en moins commune malheureusement. Le monde est fait de bien des dangers pour nous, petits mammifères volants. Les routes transpercent nos territoires et accueillent ces engins effrayants avec leurs grands yeux brillants qui nous aveuglent !
Où sont passer les insectes ? Chaque année il devient de plus en plus difficile de chasser ! Parfois les insectes, autrefois si bons, nous empoisonnent, alimentés aux produits chimiques.
Que dire de toute cette lumière qui inonde les villes et les villages éclairant parfois le ciel, les arbres et nos terrains de chasse ? Bien que je tolère mieux la lumière par rapport à d’autres cousines chauves-souris, les éclairages nocturnes trop puissants me perturbent et peuvent même me faire fuir !
Je pourrais continuer la liste, entre attaques de félins domestiques, collisions avec les pâles d’éoliennes, abattage des haies et des vieux arbres que nous aimions… Bien des dangers que nous devons affronter au quotidien.
Allez, je ne veux pas vous démoraliser mais simplement que l’on pense à moi. Il ne tient qu’à vous de porter haut notre voix pour que perdure notre cohabitation.
Psst… j’avais oublié de vous dire : je ne m’accroche pas aux cheveux ! Quelle drôle d’idée… Mais quelles histoires allez-vous inventer encore pour nous coller une mauvaise réputation ?!
Les idées à retenir pour briller à la pause-café :
Chauve-souris, Chiroptère du latin Chiro-ptera ou « main-ailée » en référence à ses grandes mains ailées que l’on prend régulièrement pour des ailes.
Les chauves-souris communiquent, se déplace et chasse grâce à l’écholocalisation : l’émission d’ultrasons inaudibles pour les humains.
Inoffensives pour les humains, les chauves-souris habitent nombreux milieux, les forêts, les bocages ou les champs. La Pipistrelle commune fait partie des exceptions à profiter des constructions humaines des villes et des villages : elles sont anthropophiles.
Cavernicole, la Pipistrelle commune vie et hiberne essentiellement dans des cavités d’arbres, dans une fissure, un hangar, dans des tunnels… à l’abri des grands froids et surtout des dérangements.
La Pipistrelle commune est protégée en France, également inscrite à l’annexe II de la Directive européenne « habitat, faune, flore » de 1992.
Vous souhaitez mieux connaitre la Pipistrelle commune, c’est par ici:
- Le site scientifique de référence : INPN – fiche Pipistrellus pipistrellus
Crédit photo entête de l’article: © Gilles San Martin
Inventaires faunistiques, projets de planification écologique, biodiversité urbaine, SIG, médiation scientifique, animation... Il a un profil polyvalent aussi bien coté pro que coté perso
- Dans la peau du Frelon européen – Vespa crabro - 25/07/2024
- Dans la peau de l’Hermine – Mustela erminea - 16/01/2024
- Dans la peau de la Pipistrelle commune – Pipistrellus pipistrellus - 14/09/2023