- Hélène SOYER
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- 06/02/2024
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Dans la peau du Blaireau européen, Meles meles
Ah les humains…. Quand l’équipe de BE Nat’ est venue me solliciter, je leur ai répondu que je n’aimais pas discuter avec votre espèce. Certains d’entre vous sont vraiment beaucoup trop barbares ! Puis ils m’ont convaincu qu’il fallait me faire comprendre, me faire connaitre, etc… Alors j’ai accepté. En espérant que cela les rend plus civilisés !
Un terrassier en smoking noir et blanc
Notre nom a beau être une injure parmi les vôtres, il n’empêche que j’ai une certaine classe. En France, il est impossible de me confondre avec une autre espèce. Ma tête allongée est facilement reconnaissable avec ses deux bandes noires qui partent de mon museau jusqu’à mes oreilles.
Il est vrai que j’ai une silhouette imposante d’environ 70 cm de long pour une quinzaine de kilos, avec des pattes suffisamment robustes pour creuser des terriers. Je suis très fier de mes constructions que j’aménage moi-même. C’est très cosy avec de nombreuses chambres tapissées de végétaux. Elles sont toutes reliées entre elles par un réseau de galeries : un véritable labyrinthe pour qui n’est pas habitué. Loin de moi l’idée de me vanter, mais tout de même, je peux déplacer jusqu’à 40 tonnes de terre pour construire un terrier ! Avez-vous déjà observé nos terriers ? Pas forcément et c’est normal, ils ne sont pas faits pour être facilement visibles. Vous étiez loin de vous douter que de telles constructions pouvaient être aussi bien dissimulées, n’est-ce pas ?
Malgré ma carrure de roi des fouisseurs, je ne pratique pas l’art de la chasse. Pas d’affut, ni de poursuite et encore moins d’acrobaties dans les arbres. Je préfère de loin me balader, le nez au sol, à la recherche de quelques bons ingrédients pour mon repas. Comme vous, je suis omnivore : insectes, petits mammifères, grenouilles, animaux morts, fruits, baies ou châtaignes sont au menu. Cependant, rien ne vaut un bon plat de vers de terre : quel régal ! J’avoue que j’en consomme très régulièrement.
Un clan discret
Mes sorties se font au clair de lune ou au soleil couchant. Je parcours ainsi bocages, landes ou prairies. Pour l’installation de mon terrier, j’ai ma petite préférence pour les milieux boisées. En effet, j’aime profiter de la quiétude des sous-bois avec mon clan. La famille est importante pour nous. D’ailleurs, nous nous transmettons nos superbes terriers, de génération en génération. Mon clan est composé de différentes familles et compte une dizaine d’individus. Elles s’agrandissent, à chaque printemps, avec l’arrivée de nos adorables blaireautins. Une fois devenus adultes, ils resteront avec nous, au sein du clan.
Vous n’avez pas dû souvent croiser nos petits, car la discrétion est notre mot d’ordre, je dirais même notre mode de vie. Nous sommes tellement discrets que vos naturalistes n’ont toujours pas réussis à établir un protocole pour estimer le nombre d’individus de notre population. Toutefois, Ils ont estimé la population française de Blaireaux d’Europe entre 150 000 et 250 000 individus. Sachez que notre aire de répartition s’étend sur toute l’Europe et même jusqu’en Asie.
Mais pourquoi tant de haine ?!
Si on résume, nous sommes des animaux discrets, vivant principalement la nuit… bref qui dérangent peu. Et malgré tout, vous nous faites subir des atrocités. Vos chasseurs nous piègent dans nos terriers en y envoyant leurs chiens, puis nous trainent dehors avec des pinces, pour (enfin !) nous achever. Franchement, qu’est ce qui ne tourne pas rond chez vous ? Est-ce que je viens saccager vos logis et terroriser vos enfants ? Un peu de respect que diable !
N’essayer pas d’argumenter, je peux balayer toutes vos justifications d’un revers de patte. Soi-disant que cela permet de lutter contre la tuberculose bovine ou la rage, dont nous sommes porteurs. Or, il existe des vaccins pour ces maladies. En outre, votre campagne de vaccination contre la rage (sous forme d’appâts) a été efficace. Vous dites également que nos galeries constituent un risque d’affaissement des digues ou fragilisent les talus des voies ferrées. Mais, chers humains, si vous remettiez du bocage dans vos paysages, nous ne serions pas réduits à squatter les bords de chemins de fer. Il parait enfin que je suis une gêne pour vos activités agricoles. Même si je m’approche de vos cultures, je ne les saccage pas non plus. En plus, il existe des moyens plus civilisés de nous tenir à l’écart, comme les répulsifs olfactifs. En outre, je me permets de vous rappeler que (à l’instar de mes collègues animaliers, que vous les considériez « nuisibles » ou « remarquables ») nous jouons un rôle important au sein des écosystèmes : régulation des rongeurs et des invertébrés, aération des sols…
Bref…Quoi qu’il en soit, rien ne peut justifier un traitement aussi cruel !
Suivez donc l’exemple de vos compatriotes du Bas-Rhin : le seul département français où il est interdit de nous chasser. Vous pouvez également vous inspirer de vos voisins : Le Blaireau d’Europe est protégé dans de nombreux autres pays d’Europe, tels que l’Angleterre, la Belgique ou les Pays-Bas.
J’espère que cet exposé aura éclairé vos lanternes. Sur ce je retourne à mes galeries…
Les idées à retenir pour briller à la pause-café :
Les blaireaux sont des semi-plantigrades, leurs pattes ont 5 doigts portant des griffes non rétractiles. La plantigradie correspond à une façon de marcher en posant toute la plante du pied sur le sol.
Le blaireau appartient à la famille des mustélidés, comme la fouine ou la belette. Il s’agit du plus gros mustélidé en France métropolitaine.
C’est une espèce nocturne et crépusculaire. Le Blaireau sort de son terrier la nuit ou à la tombée du jour.
Les blaireaux sont grégaires, c’est-à-dire qu’ils vivent habituellement en groupe.
Etant donné les grandes capacités du blaireau à creuser et à aménager des galeries jusqu’à 5 m de profondeur, l’espèce est – au même titre que les grands tatous et le castor – considérée comme une espèce-ingénieur. Cela signifie que par son activité et même uniquement par sa présence, le blaireau est capable de modifier significativement son environnement. A noter qu’il peut partager ses galeries avec d’autres espèces, comme le renard.
Le Blaireau est classé “gibier” donc chassable, mais ne figure pas sur la liste des ESOD (espèces susceptibles d’occasionner des dégâts – anciennement dit « nuisibles »). Le Bas-Rhin est le seul département où le blaireau n’est pas chassé. Le suivi de l’espèce mis en place depuis plus de 20 ans par la LPO Alsace et le GEPMA (Groupe d’Etude et de protection des Mammifères d’Alsace) a permis d’acquérir des connaissances sur les populations et le comportement du blaireau. Sur la base de ces éléments, protecteurs de la nature et chasseurs se sont entendus pour retirer le blaireau de la liste des espèces chassables.
En 2019, dans 53 départements, 10 000 blaireaux ont été tués par la vènerie sous terre, auxquels s’ajoutent environ 5 000 tués à la chasse à tir et 5 000 qui ont été détruits par d’autres moyens, soit environ 20 000 blaireaux, ce qui correspondrait à environ 10% des populations françaises de ce mustélidé.
Un blaireau peut vivre entre 15 et 20 ans.
Vous souhaitez en savoir plus :
- Le site scientifique de référence : INPN- Blaireau européen
- Magazine La Salamandre : Le blaireau, animal nocturne – La Salamandre
- Résultats 2021 des suivis menés par le réseau Blaireau du Groupe d’Étude et de Protection des Mammifères d’Alsace : pdf (gepma.org)
- 5 idées reçues sur le Blaireau : Blaireau : 5 idées reçues qui ont la vie dure | France Nature Environnement
- Rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail : AVIS et RAPPORT révisé de l’Anses relatif à la gestion de la tuberculose bovine et des blaireaux
Crédits photo :
Nathalie Hausser | Flickr
Caroline Legg | Flickr
Pluridisciplinaire: elle réalise les missions d'accompagnement stratégique mais aussi la communication, l'administratif ou encore la médiation scientifique. Enfin, Hélène aime griffonner les illustrations des articles BE Nat'
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